Le Misanthrope de Molière


Je vais vous présenter quelques morceaux choisis du Misanthrope de Molière. 
C'est une œuvre comique, qui me semble résolument moderne. C'est en effet là une constante de Molière qui arrive à manier les mots et les idées à la fois pour faire passer des messages forts sous forme comique, mais aussi à ce que ces propos traversent les âges. 
Peut-être avez-vous étudié  ce texte durant vos études, dans votre jeunesse ? Si c'est le cas, je vous conseille de le relire, une fois adulte, il prend alors un sens nouveau et c'est une œuvre pleine de charme.
Molière aborde là plusieurs thèmes. Tout d'abord l'hypocrisie vis-à-vis de son entourage mais également en société, comment survivre au mensonge, car il n'y a pas dans ce texte non plus une apologie du "tout dévoiler". L'amour dans ses limites, sa déraison, et donc la séduction et les intrigues amoureuses qui mènent souvent aux pertes de ceux qui les pratique.
La pièce est écrite en alexandrins, et la rime offre à ces personnages le loisir de paraître tour à tour brillant et burlesque. Alceste, ainsi arrive à émouvoir, faire rire, et parfois énerver. Ce "héros" est tout en nuance, ces faiblesses, ces rudesses le rendent intrigant. Ce qui me plaît beaucoup c'est également ce sentiment qu'il dévoile d'être hors de son époque, regrettant les coutumes du passé sans tomber pour autant dans la nostalgie, il y trouve là des arguments pour avec force être à contre-courant de son époque.

Dans la préface d'Annie Collognat-Barès, elle résume plutôt bien la pièce et la personnalité d'Alceste en ces termes : " Sa franchise irritable et sa mélancolie solitaire sont une forme d'aliénation, elles déterminent un comportement pathologique: obsession de la sincérité, critique d'autrui, jalousie morbide relèvent du désir contrarié. [...]Alceste est un monomaniaque. Pour leur entourage, faute de pouvoir vaincre leur manie ou de les en guérir, il faut jouer avec elle ( la déjouer) pour tenter de la désamorcer, ou du moins réussir à vivre avec elle [...] Enfermés dans leur passion, séparés des autres, de la société normative, ce sont des "individualistes" inadaptés, condamnés au ridicule et à l'isolement: ils sont les traditionnels bouc-émissaires nécessaires  la catharsis comique."

Voici quelques morceaux choisis du début de la pièce pour garder la surprise pour ceux qui ne la connaisse pas : 

ACTE 1

Alceste
Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je ne hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
Et traitent du même air l'honnête homme et le fat.
 Quel avantage a−t−on qu'un homme vous caresse,
 Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsque au premier faquin il court en faire autant ?
Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située
Qui veuille d'une estime ainsi prostituée ;
Et la plus glorieuse a des régals peu chers,
Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers :
Sur quelque préférence une estime se fonde,
Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu ! vous n'êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d'un coeur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu'on me distingue ; et pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.

 Tous les hommes me sont à tel point odieux,
Que je serois fâché d'être sage à leurs yeux.

Philinte
Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
Seront enveloppés dans cette aversion ?
Encore en est−il bien, dans le siècle où nous sommes...

Alceste
Non : elle est générale, et je hais tous les hommes :
Les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants,
Et les autres, pour être aux méchants complaisants,
Et n'avoir pas pour eux ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.

 Philinte
 D'où vient que, leur portant une haine mortelle,
Vous pouvez bien souffrir ce qu'en tient cette belle ?
Ne sont−ce plus défauts dans un objet si doux ?
Ne les voyez−vous pas ? ou les excusez−vous ?

 Alceste
 Non, l'amour que je sens pour cette jeune veuve
Ne ferme point mes yeux aux défauts qu'on lui treuve,
Et je suis, quelque ardeur qu'elle m'ait pu donner,
Le premier à les voir ; comme à les condamner.
Mais, avec tout cela, quoi que je puisse faire,
Je confesse mon foible, elle a l'art de me plaire :
 J'ai beau voir ses défauts, et j'ai beau l'en blâmer,
En dépit qu'on en ait, elle se fait aimer ;
Sa grâce est la plus forte ; et sans doute ma flamme
De ces vices du temps pourra purger son âme.

ACTE 2
Alceste
Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,
Qu'ai−je de plus qu'eux tous, Madame, je vous prie ?

Célimène
Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.

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