Dire la peur sous un saule pleureur

Je l'ai toujours ressentie, je me suis toujours dit que tout le monde ressentait ces craintes d'enfance. Je me suis construite dans une certitude que c'était par moments fugaces que la peur revient, que la solitude qui l'accompagne prend sa place, pour un temps.

Une des peurs que j'ai ressentie profondément assez jeune était la peur d'être oubliée, négligée. J'étais là, présente, mais je ne me sentais pas à ma place, pas considérée ou écoutée. Mes besoins d'être rassurée et cajolée devaient trouver un réconfort seuls. Les exprimer c'était positionner mes parents dans leurs failles, et sentir le dilemme entre tout ce qu'ils voulaient et avaient à faire et satisfaire mes besoins. Même s'ils me choisissaient à ce moment là, c'était en me faisant sentir que c'était au détriment de... Et cela aussi donner argument à ma fratrie pour m'en vouloir et jalouser. J'empêchais autre chose par l'expression de mes besoins et cela ne leur plaisait pas. Cela a créé au plus profond de moi, le fait de détester forcer une personne à faire quelque chose pour moi qu'elle ne souhaite pas faire. Si j'obtiens ce que je veux mais que la personne m'explique que cela lui coûte et qu'elle préfèrerait faire autrement, alors... ce qu'elle me donne perd toute saveur pour moi. Cela devient comme une magnifique pâtisserie qui serait insipide. J'accorde aujourd'hui une valeur primordiale à l'intention. Si tu donnes quelque chose, si tu fais quelque chose, que se soit ton choix, que se soit ton intention et que tu assumes. Et pourtant, je me perds moi-même dans cet écueil parfois. Je me sens reproduire et vois ce fonctionnement familial dont j'essaie de me délester pas à pas, de réinventer mot à mot.

L'autre effet que j'observe aujourd'hui lié à la jalousie fraternelle est ce besoin de me protéger des envies, des jalousies, des sentiments négatifs que ce que je suis, ce que j'obtiens pourrait susciter. Une envie de bien être, de tranquillité, de paix qui ne pourra bien sûr jamais être totale mais dont mon hyper sensibilité nécessite une puissance certaine. Pendant longtemps, j'ai vécu libre tout en m'écorchant régulièrement le cœur et le corps. Jusqu'à surement, le coup de trop, le cœur mal recollé surement, j'ai voulu arrêté de m'exposer. Fuir et devenir invisible, m'éloigner, regarder de si loin que rien ne me toucherait plus. Je ne me suis plus montrée, je me suis renfermée et cachée si profondément en moi-même que ma seule compagnie me suffisait à regarder la vie du bocal. Et pourtant, aujourd'hui, j'ai goûté à nouveau lentement, prudemment, à petit pas de nouveau né la saveur d'être soi-même. De se montrer, de parler de ce que l'est et l'on croit. D'être et d'exister, de dévoiler sa beauté, de dévoiler ses talents, de ne plus s'excuser d'être et de pouvoir se surpasser en se délestant de ses peurs.

La peur, quel que soit sa motivation est sournoise. Elle peut tellement être la cause et le symptôme à la fois, créant confusion et division en soi-même. La peur de la blessure, la peur de la trahison, la solitude et l'insécurité tout cela entraine une méfiance extrême, une hyper vigilance qui épuise. Le regard aiguisé j'ai eu le temps d'observer tout mon monde et comprendre les intentions surtout les cachées. Cela m'a aussi protégée, des abus, des lâches, des retourneurs de veste, des menteurs. On ne peut vivre en ermite, on ne peut vivre en étant à l'extérieur de soi-même, en bridant et brimant la complexité de notre être. On peut décevoir, on peut ne pas correspondre à des attentes, on peut surprendre, on peut aimer, on peut détester, on peut craindre, on peut se surpasser. On a le droit de vivre et d'être. On a le droit de souhaiter la paix et de s'éloigner ce qui nous parait faux, ce qui ne sonne pas le la. On a le devoir de se faire du bien, d'avoir indulgence et respect car c'est la seule voie qui mène à l'amour. Cet amour qui mène le monde, bien plus fort que la peur qui serre le soir les cœurs des esprits pleins de doute. Car il y aura toujours un lendemain.


 

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