Guide pour se vider la tête

Lucien Clergue, 1989

Il est parfois nécessaire quand on ne sait plus vraiment ce que l'on veut
Qu'une main, prenne la notre, la serre un instant et nous guide doucement
Il est obligatoire qu'à un moment donné, on ne lutte plus contre,
ni contre soi, ni contre l'autre mais qu'on plie tendrement.
Il faut encore que la confiance scelle ces mains comme un aimant.
Que les regards ne jugent plus et que dans les oreilles les mots soient susurrés.
Il est alors temps de pousser la porte, ensemble.
Il est tant de prendre en compte et ouvrir son coeur et ses oreilles.
A ce moment là, l'inconnu n'est plus effrayant,
A-t-on encore la politesse des premiers instants ?
Le chemin s'ouvre devant nous, comme une voie à sens unique,
nous entrons toujours dans la pénombre avec curiosité.
L'air est chaud, le bois suspendu
Doucement, un à un on se défait de nos atours,
On n'a plus rien à cacher, plus rien derrière quoi se dissimuler.
Chaque chose est à sa place, chaque place est choisie.
A ce moment plus rien ne nous identifie que la puissance même de notre corps.
Je suis, parce que mon corps est là, sans artifice, ni calcul
Dans sa puissante réalité, je ne suis qu'un, indissociable.
Je m'allonge et j'oublie tout
Les notes bercent le vide qui se crée, ce n'est pas le vide effrayant d'un trou noir,
Le vide bouleversant d'une perte ou transperçant d'un départ.
C'est un vide qui libère, qui emporte avec lui sa misère.
C'est un vide qui remplit, il emplit de sérénité tout cet espace à combler.
Combler de bonheur, parce que le bonheur c'est rien,
Ce n'est pas grave, ce n'est pas dur, ce n'est pas fade, ni rude
Ce n'est pas moi, ce n'est pas toi, mais c'est avec ce qui est là
Toujours autour de nous, toujours face à nous.
Peu importe la dureté, les médisances des malheureux
Ce n'est que nous qui dans nos corps savons ce qui rend heureux.
C'est le contact de toute chose, de toute personne
C'est le contact lointain ou proche qui nous touche
Je suis là, enfin vidée, enfin comblée
C'est le contact inconnu, éphémère et sans lendemain
C'est un contact aimant et sain, qui veut donner, et n'attend rien.
Peu à peu, je me souviens, de moi-même et de mon corps.
Je me souviens, enfin des couleurs sur ma peau
Je me souviens aussi des traits foncés sous la voûte
Je me souviens des tâches brunes sur la courbe
Chaque cicatrice réapparaît, chaque centimètre retrouve sa place.
Non pas dans la douleur de sa création, mais dans la tendresse de son acceptation.
Tout ces noeuds , ces chaines qui s'emmêlent trouvent enfin une main pour les apaiser.
La chaleur glisse sur la peau, remplissant le corps
Le transformant d'enveloppe en entité.
C'est comme ça que, en sortant, le bonheur nous attends.

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