Virage
Il y avait sur le chemin, un virage.
On était tous partis ensemble, on avait pris le départ comme en s'engage dans les ordres, en mission ou en quelque sorte en quelque chose...
Certains main dans la main, d'autre en bouche à bouche, ou en se serrant la taille ou les épaules, plus qu'un rapprochement physique, c'était surement aussi un sentiment de cohésion.
Soudés, motivés, invincibles, sûrs de nous, sans rien à perdre nous avancions comme des étoiles, filants sur le fil de la vie, affrontant et défonçant les portes une à une.
Il y avait des prises de positions, des superstitions étranges, des défis à tout va, des créations magiques, un élan, une machine lancée comme un train filant à toute vitesse.
Les kilomètres ont défilés, le temps a passé, et à chaque halte certains ne suivaient plus le voyage. Par choix, fatigue, lassitude, quelle raison au fond ?
Peut être plus de doigts se touchant, de regard se soutenant, de parole se frollant.
A un moment donné, nous ne l'avions pas vu, ce virage, ce changement.
Arrivé lentement, doucement, presque imperceptible, presque.
Pourtant, nous voilà devant la prochaine étape, et qui est encore là ?
On se retourne, on se jauge, on se secoue un peu et on voit seulement qu'enfin, il ne reste plus grand chose que ce que nous étions, que nous croyions connaître.
Le virage, si lent, si terrible a fini d'user les chaussures, les kilomètres restant, les volontés farouches, la constance, émoussé les motivations, changé les projets...
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