L'intensité de l'amour

 Te voilà spectatrice, dans un coin. Il y a surement un air de déjà vu, comme si, chaque année tu sentais se reproduire encore et encore les mêmes situations maintes fois éprouvées mais qui t'éprouvent encore.

Il y a un vertige déstabilisant, un vertige renversant et terrible à la fois quand se pose la question du nombre d'année qui nous reste. Combien encore de fête, combien de rencontres, combien de fois se verra t-on ? Combien de fois rira-t-on ensemble ? Combien d'anniversaire il nous reste ? Combien de repas partagés ? Que restera-t-il passé nos litanies angoissées, passé nos énumérations sans fin de tout ce qui nous contraint et nous heurte ? Chacun y va de l'étalage de ses malheurs, morbide compétition du pire et de l'attention tant désirée. Tellement de souffrance, tellement de paroles retenues ces derniers temps. C'est un rite cathartique auquel chacun se prête pour en ressortir plus léger, soulagé, heureux. Comme on accouche, comme on se libère, comme on dépose pour se libérer sans trop se préoccuper de l'endroit où on a tout déposé. De l'oreille qui a écouté, des bras qui ont réconfortés, de l'être humain qui a apaisé, de lui qui se soucie...

Tu es silencieuse, tu écoutes et réagis à tout ce que l'on te dit et te dépose. Une Mona Lisa au sourire énigmatique et qui suffit à faire parler d'elle. On peut lui prêter des intentions, des sensations, des sentiments, le sourire trahi le bonheur pour la plupart des gens. Peu ont vu malgré ses traits apaisés, ses yeux humides et profonds dans lequel se reflète la détresse. Elle est belle, gentille, serviable, discrète, elle est là, comme une mère ou une soeur, comme si le temps n'avait pas d'emprise sur elle. Mais tout ce qui bouge en elle, tu ne le sais pas, tu ne le vois pas, tu ne lui parles pas.

Tu penses la connaitre parce que tu crois que personne ne change, mais elle si. Elle évolue tellement, si vite, elle a parcouru tellement de chemin, tellement de route intérieure, exploré et explore encore toutes les parois de son être, de ses pensées, de la nature humaine. Elle est là, debout, immobile, les yeux dans le vague, bercée par les flots intérieurs qui la secouent, les émotions et le bruit qui viennent la heurter et s'éclater sur son cœur et ses pensées. Parfois, éclate comme un orage d'été inattendu, une parole, une défense juste et froide, qu'encore son sourire vient tempérer comme la pluie chaude surprend et donne le sourire dans la chaleur étouffante. Puis le silence reprend, comme un refuge.

Le seul moment où elle se dévoile c'est dans le geste, dans le corps. Quand elle laisse aller son corps à montrer, faisant plus de bruit que tous les cris. Il y a le corps tendre qui câline et fait tomber toutes les barrières de celui qui veut démontrer, en le forçant juste à exister débarrassé du superflus. Il y a le corps qui se donne et accepte la main qui le masse dans la confiance qui désarme celui qui se pense habitué et l'appelle au don désintéressé. Il y a le corps qui réconforte, la main chaude qui apaise le dos alourdit par la charge à porter. Il y a le corps qui transperce de son regard et a perçu dans ton regard, la tristesse, et arrive à faire naître à nouveau ce sourire. Il y a le corps qui se tend, et garde la distance, respectueux de la pudeur de l'autre et de sa carapace. Dans tout ce qu'elle est, il y a la grâce, parce qu'il y a l'amour. L'intensité du geste qui sert l'amour puissant qui veut s'exprimer. 

Alors pardonne lui son exigence, pardonne lui son impatience, son envie d'intensité et de profondeur. De ne pas se satisfaire du superflus, de ne vouloir que l'échange et de ne pas accepter le reste sans tristesse, sans amertume ou regrets. De te dire, même si c'est dur à entendre tout ce que tu peux vivre et donner de mieux en toi, de t'élever, élever ton âme, tes relations, vivre autrement dans le partage, réellement, être toi vraiment et donner intensément. Prends le risque d'être avec elle, pour elle, et de te découvrir plus beau et plus grand. Parce que ce que tu lui donnes, te sera toujours rendu au centuple. Le bonheur de ce partage se multiplie sans limite dans le temps et l'espace. Pardonne lui de ne pouvoir se satisfaire que de ce genre de moments, que de ces saveurs, de ces rires et de ce temps qui te paraitra toujours trop court.

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