Reprise

J'ai songé à cette idée d'écorchée.
Comme un morceau de bois dont le vernis est craquelé par le soleil, la peinture délavée par les intempéries. Le temps l'a fait passer vers des teintes noires et blanches, finie la couleur et les dialogues encore présents, il n'y a souvent plus que le silence et le vent.
Les sillons se sont creusés. On en a perdu des bouts en chemin. On a souvent perdu le chemin.
Mes doigts ont beau passer sur ces manques, j'ai beau les sentir prêts à m'écharper la peau, je ne peux m'empêcher de les caresser.
Je ne peux m'empêcher de les sublimer, de les réparer ou de les combler.
Je ne laisserai pas le temps gagner sans combattre un peu, sans retarder les échéances, sans y laisser quelques obstacles.
Les noms gravés qui s'estompent, les souvenirs qui se trompent, les histoires qu'on réinventent parce qu'on a déjà oublié la fin.
L'odeur qui s'enfuit, la fleur disparue de nos vies, la fragilité offerte à la vulnérabilité. Il y a dans cette idée d'écorchée, des couches successives qu'on enlève, dont on se passe, dont on se lasse.
Il y a la recheche puissante, de s'effeuiller lentement et d'enlever une à une, l'inutile protection.
Et puis, aller même au-delà et chercher au plus profond de soi, continuer à enlever ces paravents ajourés, des mystérieux moucharabiés et enfin dévoiler.
Libérer la pensée et la parole, assumer sa singularité et sa légimité à être. Soi, singulier, seulement être. Se détacher, peu à peu du regard, de l'avis, de l'envie, de l'autre. Se rattacher peu à peu à son coeur, à son âme, à son désir, à son plaisir, à son bonheur égoïste et nécessaire.
Juste se dire qu'une lamelle, fine et profonde de soi-même est bien suffisante au monde, pour y refléter quelques belles ondes.

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