Injustement traitée

Injustement traitée

Toujours en première ligne, toujours en avant. Volontairement ou non, peu importe au final le résultat est le même.

Au départ, c'était il y a si longtemps je ne me souviens pas exactement, je pense que c'était pas volontaire. Je suivais mon bonhomme de chemin, ma vie et très vite je me suis sentie subir certaines réactions et enjeux qui ne m'étaient pas destinés. Subir ses humeurs, ses frustrations, ses agressions, ses violences, ses moqueries. Je ne comprends pas vraiment ce que je fais pour déclencher ça alors... j'essaie de faire mieux, d'être autrement, de m'améliorer, de plaire. Pendant un temps, sans doute, ça fonctionne et puis, petit à petit tout revient comme avant, peut être en pire.

Je ne sais plus vraiment mais à un moment je comprends que ce n'est pas normal, que ce n'est pas une situation qui me va, je comprends que je peux mettre fin à ce qui ne me convient pas mais que ça n'arrivera pas sans combattre, sans lutter, sans m'opposer. Personne ne va m'aider, personne ne va me sauver.

A partir de ce moment, je deviens tétue, difficile, caractérielle, colérique. Je ne me laisse plus faire, je lutte. Je m'oppose d'abord à ce que je subis en silence, je m'oppose ensuite à l'inaction des grands, des autres, à ceux qui ne voient rien. Je m'oppose parfois à tout du tout, chaque injustice, chaque émotion qui me hérisse le poil. Je crie que je n'ai rien fait, rien commencé et que je ne veux pas de ça mais que je ne me laisserai pas faire mais on me condamne aussi coupable. On ne distingue pas les agresseurs de ceux qui se défendent. C'était le cas à l'époque, dans le monde de l'enfance, les disputes sont toujours la faute de tous, et de tout le monde à personne, il n'y a qu'un pas. A ce moment-là, la victime devient coupable de ce qu'elle engendre, même malgré elle.

Exister est alors assez grave pour engendrer un déferlement de violence ? Comment s'aimer, comment penser mériter autre chose que la violence ? La seule chose qui fait avancer c'est la survie, c'est trouver dans tout ce que l'on ressent une boussole, un sens, et garder ce cap envers et contre tout et tous. Seule souvent. Je trouve du réconfort chez des amis, des étrangers parce qu'ils me voient autrement, parce qu'ils m'apportent de l'amour. Un temps ça me va, puis parfois je n'y crois pas ou plus, je doute, je m'isole. Personne ne peut nous aimer suffisamment si on n'y arrive pas soi-même.  J'aurais aimé ressentir ça quand il fallait me défendre, quand je me suis construite en pensant que la vie nous apportait toujours ce qu'on méritait, quand je vivais dans le silence et le secret, lourde chape de plomb sur l'âme, lourd voile devant les yeux, embrumés de détresse. Dans la survie je me construits sur un fil, quand on vit sans peur de la violence, on teste peut être plus extrêmement les autres, les situations, on se met en danger, on revit le passé et on réagit autrement pour conjurer les démons. Il y a des moments où je me disais que c'était trop, que je n'arriverai pas à survivre à cette douleur, ou toutes les violences que je subissais depuis me paraissaient anecdotique, comme si on était anesthésiée, insensibilisée, insignifiante.

Pour autant, il y a un espoir, une inconditionnalité dans l'amour que l'on a donner, à ses parents notamment. Même quand tout ne s'est pas passé, on continue à défendre, à protéger. Lorsque eux même subissent la violence, l'agressivité on s'interpose, on se met en première ligne. Parce qu'on connaît, parce que cela ne nous fait plus peur, parce qu'on est le seul rempart face à la folie. Malgré ça, lorsque la pression redescend, on nous demandera à nouveau de nous taire, faire profil bas, laisser faire... On ne nous exigera pas d'excuses, pas de regrets, on pourra même en inventer alors qu'ils n'ont jamais été prononcés, voir même pensés. Je deviens le sujet de médisances, de malveillances et de mensonges pour détourner les tords pour atténuer les faits. J'aurais beau essayer de rétablir la vérité, c'est peine perdue. La loi du plus fort perdure, la loi imposée par la peur, la loi de celui qui écrit les règles au fur et à mesure de ce qui lui va. Et chacun devient sujet et accepte ou fuit.

Alors il est possible d'être aimée sans être protégée, d'être aimée sans être défendue, d'être aimée mais injustement traitée. D'être mal aimée au fond.

Que devient-on ?

Je deviens ce que je peux, je deviens ce que je veux, je deviens ce qui me rends libre, je deviens ce que j'aime de moi et des autres.


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